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Question de M. Patrice Joly (Nièvre - SER) publiée le 21/03/2024

M. Patrice Joly attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles sur la situation critique des services de protection de l'enfance, face à l'afflux de mineurs non accompagnés (MNA).
Confrontés à une hausse des placements d'enfants en danger et à un afflux exponentiel des mineurs non accompagnés étrangers, les départements, réunis dans l'assemblée des départements de France (ADF) ont sonné l'alerte, le 11 mai 2023, sur la situation « intenable » et « explosive » dans le secteur de la protection de l'enfance. Cette saturation est exacerbée par l'entrée en vigueur, en février 2024, de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, prévoyant d'interdire le recours aux hôtels pour leur hébergement.
Alors que le nombre d'enfants placés est en augmentation, les départements peinent également à recruter des personnels supplémentaires, tant le métier souffre d'un manque d'attractivité financière et de considération sociale.
Ainsi, le département de la Nièvre, bien qu'il ait fait le choix de renforcer les solutions d'accueil des MNA avec notamment l'ouverture en 2024 de 20 places d'accueil et de 19 places de mise à l'abri par l'association Au Bon Pasteur en partenariat avec Habitant & Humanisme, et de 70 places en diffus avec l'association Nièvre Regain, a besoin d'un investissement de 1,4 million d'euros par an à compter de 2024.
De plus, ce projet porté par le département de la Nièvre s'inscrit également dans un climat où les dispositifs d'accueil nivernais sont saturés. Faute de places disponibles, ce département, comme beaucoup d'autres, va se retrouver malgré lui en situation d'illégalité en devant recourir à l'accueil hôtelier. Il est important de souligner que cette année, le département a dû mettre à l'abri 236 jeunes se présentant comme MNA dont 77 % sont évalués majeurs. La remise à la rue de ces jeunes, même majeurs, dans un contexte économique aussi dur est inconcevable.
Aussi, pour construire une alternative durable à l'accueil de ces jeunes et répondre aux besoins de protection des enfants, et notamment de ces jeunes exilés, l'État doit, d'une part, concourir aux investissements exceptionnels portés jusque-là par les départements afin qu'ils puissent assurer une prise en charge conforme aux conditions prévues par la loi et, d'autre part, il doit également augmenter les moyens financiers et humains mis à la disposition de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Enfin, à l'occasion des assises des départements de France en décembre 2023, l'État et les départements se sont engagés sur cinq chantiers de collaboration prioritaires, à savoir : l'amélioration de la prise en charge des jeunes confiés à l'ASE en lien avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse, l'amélioration des réponses aux enfants confiés à l'ASE qui nécessitent des prises en charge en matière d'éducation, de santé et de médico-social, l'amélioration de l'attractivité des métiers de l'enfance, la prise en charge des MNA et leur financement, et la mise en place d'une gouvernance financière et politique.
Aussi, il lui demande comment le Gouvernement entend aider les départements à appliquer la loi adoptée par le Parlement qui prévoit l'interdiction totale des placements en hôtels des jeunes de l'ASE mais également remplir les objectifs qu'il s'est fixé auprès des départements de France.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargé de l'enfance, de la jeunesse et des familles publiée le 02/05/2024

Face au nombre croissant de MNA et aux difficultés rencontrées par les départements ces dernières années pour évaluer leur minorité et les prendre en charge, l'État s'est engagé à soutenir davantage les départements. Un accord est ainsi intervenu entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France (ADF) le 17 mai 2018. Il comportait un volet financier, avec une réforme des modalités de financement de la phase d'évaluation et un volet opérationnel. Pour limiter au mieux la saturation des structures d'accueil et aider les départements dans leur mission, l'Etat a mis en place une coopération opérationnelle à l'évaluation de minorité via un traitement automatisé de données à caractère personnel (nommé AEM pour « Aide à l'évaluation de la minorité ») qui permet de mieux identifier les personnes qui se déclarent MNA dans le cadre de l'évaluation de leur situation, afin notamment d'éviter les détournements du dispositif, et plus particulièrement la pratique des présentations multiples, dans des départements différents, de personnes déjà évaluées. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, avec l'introduction de l'article L. 221-2-4 dans le Code de l'action sociale et des familles (CASF), a généralisé l'utilisation d'AEM en prévoyant que, dans le cadre de l'évaluation de la situation d'une personne se déclarant MNA, sauf si la minorité est manifeste, le président du conseil départemental est tenu d'organiser la présentation de la personne en préfecture en vue du renseignement de ce fichier. Le Gouvernement a pleinement conscience du coût matériel et humain que représente l'afflux continu de MNA sur le territoire français. En ce sens, une revalorisation de la participation forfaitaire de l'Etat aux dépenses engagées par les conseils départementaux au titre de la mise à l'abri et de l'évaluation de ce public avait été décidée en concertation avec l'ADF. Cette dernière a abouti à un nouveau mode de contribution forfaitaire de l'Etat plus juste et plus réaliste désormais inscrit dans la loi. En effet, le principe de cette contribution forfaitaire de l'Etat aux dépenses engagées par les départements au titre de la phase de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille a été inscrite par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants dans le CASF à l'article L. 221-2-4. Elle comprend, d'une part, une prise en charge de 500 euros au titre de l'évaluation sociale et une première évaluation des besoins en santé et, d'autre part, au titre de la mise à l'abri, 90 euros par personne et par jour dans la limite de 14 jours puis de 20 euros par personne et par jour dans la limite de 9 jours complémentaires. Le rapport bipartite ADF/Etat de 2018 avait en effet estimé le coût de l'évaluation sociale en 2018 à 400 euros et le coût de l'évaluation des besoins en santé à 90 euros soit arrondi à 500 euros. Il faut, par ailleurs, noter que la durée moyenne nationale sur 2022 de mise à l'abri s'élève à 15,8 jours au regard des données consolidées de l'Agence de services et de paiement. Par ailleurs, le Gouvernement s'était engagé en 2018 auprès des départements à apporter une aide exceptionnelle à la prise en charge des MNA confiés à l'aide sociale à l'enfance par l'autorité judiciaire. Ce financement exceptionnel a été reconduit en 2019 et les années suivantes, à hauteur de 6 000 euros par jeune pour 75 % des MNA supplémentaires pris en charge par l'aide sociale à l'enfance entre deux années de référence. Cette aide qui s'est élevée en 2019 à 33,6 Meuros, a été maintenue en 2023 et s'est élevée à 17,562 Meuros. Par ailleurs, le Gouvernement et l'ADF ont décidé une mobilisation générale en 2024 en faveur de l'enfance protégée autour de diagnostics, d'objectifs et d'engagements partagés et la création d'une instance de dialogue renforcé avec les départements. Dans ce cadre, sept chantiers prioritaires dont l'un portant sur la prise en charge des MNA ont été mis en place.

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